Le nom de Rauville (-la-Bigot) apparait dans les actes des ducs de Normandie vers l'an 1000 sous la forme Radulfi villa, ce qui signifie « le domaine de Radulf ». Autres formes anciennes : Radulfivilla (1042), Radulfi Villa (vers 1280), Raouville la Bigot (1404), Roouvilla (1421), puis Rauville la Bigotte au début du XIXe siècle.
L’appellatif –ville (bas-latin "villa" = domaine) a connu une popularité constante au début du moyen-âge qui lui a valu d'être accolé à des noms de personnes de toutes origines. Radulf est ainsi un nom d'origine franque qui peut très bien avoir été adopté par un viking du Xe siècle comme nom de bâptème. On note en effet, sur le territoire de la commune, le lieu "Raulonde" où Radulf qui pourrait être associé à l'appelatif d'origine scandinave "lundr" (le bois), bien attesté en Normandie.
Le déterminant complémentaire -la Bigot apparait dans les textes au XVe siècle. Il s'agit ici manifestement de l'adjonction d'un nom de famille noble, pratique fréquente dans la région pour différencier des lacalités homonymes.
Ce que confirme François de Beaurepaire (Historien et chercheur passionné par la toponymie qui a écrit un ouvrage de référence « les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche »). Il donne pour origine le domaine, la « ville », de Radulfus, nom de personne germanique dont est dérivé le nom d’homme et de famille Raoul(t) le même nom d’homme est présent dans le village Rollonde, construit avec l’appellatif scandinave –londe, bois. Le déterminatif –la Bigot évoque un seigneur local. Rauville la Bigot est une agglomération de formation relativement récente. Au XIXe siècle, il n’y avait à côté de l’église, que deux grosses fermes-manoirs assez pittoresques.
La paroisse de Rauville la Bigot dépendait de l’Intendance de Caen, de l’Election de Valognes, et de la Sergenterie de Beaumont.
Les «Bigot » furent une famille très puissante en Normandie et en Angleterre. Un Roger (ou René) Bigot figure parmi les compagnons préférés de Guillaume Le Conquérant qui, pour le récompenser, lui donna de grandes concessions. Henri 1er le prit aussi en très grande affection et lui confia la charge de trésorier de sa maison. Son fils Hugues lui succéda dans ces honneurs en 1107. Intimement liée avec la cour d’Angleterre, la famille Bigot n’hésita pas à prendre parti pour Jean sans Terre (Roi d’Angleterre de 1199 à sa mort en 1216). Les «Bigot » étaient considérés comme des barons anglais. Dans leur querelle avec Philippe Auguste (Roi de France de 1180 à sa mort en 1223), et comme toutes les familles qui avaient agi ainsi, les «Bigot » en subirent les conséquences : leur terre est donnée par le roi à Jean de Rouvray.
La première famille noble connue pour Rauville est celle des Symon, seigneurs de la Chesnée au XVIe siècle, dont le château s'est transmis de génération en génération, de famille en famille, jusqu'à la famille De Boisguilbert, actuelle propriétaire.
En 1789, la paroisse relevait de 4 fiefs : le fief de la Chesnaye (M. Lucas de Couville), le fief de Hamanvielle (M. de Bruc), le fief de la Luthumière (Mlle de Lordat) et le fief de Belleville (M. de Gerville).
Jusque-là à l'écart des principaux axes de communication, Rauville est traversée à la veille de la révolution par la nouvelle route royale Cherbourg-Saint-Malo (actuelle D900). Au XIXe siècle, le bourg de Rauville est construit le long de la nouvelle route, à proximité de l'église. En 1858, l'extrémité nord-est de la commune est traversée par la ligne de chemin de fer Paris-Cherbourg.
En 1902, la laiterie de Rauville-la-Bigot fut construite par un propriétaire terrien de la commune, Raymond Le Marchand, châtelain de la Chesnée. Ce fut la première laiterie de la région à fabriquer des camemberts à l'échelle industrielle. Pendant la Seconde Guerre mondiale, cette laiterie était la seule à fonctionner, les autres ayant été partiellement ou entièrement détruites par des
bombardements.
Comme l’indique l’abbé Lebreton, dans son ouvrage de 1902, la tradition voudrait qu’il y ait eu, à Rauville la Bigot, deux monastères, l’un d’hommes, l’autre de femmes. Cette tradition trouve son argument dans l’existence de deux ponts nommés, l’un le Pont-à-l’abbé, l’autre le Pont-à-l’abbesse. Tradition reposant probablement sur quelque chose de réel, mais aucun vestige de construction ne peut la confirmer.
Durant la première guerre mondiale, 43 Rauvillais sont tués sur les champs de bataille. Un seul d'entre eux est enterré dans
le cimetière de la commune. Dès le 17 septembre 1914, une "ambulance" est créée au château de la Chesnée sur proposition de ses propriétaires, M. et Mme Le Marchand. Cet établissement de 20 lits accueille des soldats français et belges en convalescence. Durant la seconde guerre mondiale, Rauville-la-Bigot a abrité un camp de requis de l'organisation Todt. Originaires de plusieurs pays européens, les travailleurs étaient employés sur les chantiers du Mur de l'Atlantique. Par ailleurs plusieurs rampes mobiles de V1 ont été aménagées sur le territoire de la commune, mais comme pour toutes les installations du Cotentin, elles n'étaient pas encore en état de fonctionner lorsque Rauville la Bigot fut libérée le 19 juin 1944 par les troupes américaines. En effet, suite au débarquement du 6 juin 1944 à Utah Beach et aux féroces combats qui s'en suivirent, les Américains lancent l'offensive sur Cherbourg le 19 juin. Sur l'aile Ouest, l'objectif de la 9e division d’infanterie US est une ligne de hauteurs entre Saint Germain Le Gaillard et Rauville la Bigot, qu’atteignent avant midi, sans opposition, les 60e et 39e R.I. commandés par le colonel Harry A. Flint.
En 1975, le curé de la paroisse, réputé pour son dynamisme et sa modernité, eu l’idée de donner un coup de pouce à un groupe de débutants, musiciens de rock pas connus du tout. Il installe un chapiteau de fortune sur un parking, c’est un peu la révolution dans le village, les vieux sont méfiants, les jeunes curieux, les femmes perplexes, mais tout se passa bien. Le groupe en question a fait son chemin puisqu’il s’agit du groupe « Téléphone » ! Voilà comment ce groupe de rock qui a marqué son époque d’une empreinte indélébile a fait ses premiers pas grâce à ce curé. Actuellement, la commune de Rauville la Bigot appartient à la Communauté d’Agglomération du Cotentin (CAC). Les habitants, au nombre de 1097 (recensement 2020), se nomment les Rauvillais(es).
Sources
Divers sites internet, notamment Wikimanche et Wikipédia, Généanet, Notes historiques et archéologiques (le50enligneBIS) ;
DDay Overlord ; 1944 la bataille de Normandie - la mémoire ; dday-overlod.com, « l’organisation Todt » en France 1940-1944 ;
Pays d’Art et d’Histoire du Clos du Cotentin ; CPIE du Cotentin ; Communauté de Communes Coeur du Cotentin ; Archives départementales de la Manche
Ouvrages : ‘’601 communes et lieux de vie de la Manche’’ de René Gautier, Revue du Cotentin ‘’Vikland’’, ‘Bricquebec et sa région -1978’’, ‘’Bricquebec et ses
environs’’ de l’abbé P. Lebreton (1902), Les Randonneurs de la Côte-des-Isles (Max Gallet / décembre 2020) …
Roger Bigot (Xie-XIIe), Il était au nombre des compagnons de Guillaume le Conquérant à la bataille d’Hasting en 1066. Son nom est porté sur la liste de noms gravés sur le mur occidental de la nef de l’église de Dives-sur-Mer. Il obtint en Angleterre de grandes concessions et il devint l'un des principaux conseillers de Henri 1er et le trésorier de sa maison. Il mourut en 1107.
Hugues Bigot, son fils, lui succéda dans les fonctions de trésorier. Au nombre des seigneurs renommés en Normandie, pendant les XIe et XIIe siècles, on voit figurer Roger, Robert, Guillaume et Hugues Bigot.
Claude-Antoine Ebinger (1737-1815), Il est né à Marnay (Haute-Saône) et mort à Cherbourg. Il fut curé en 1780 et maire de Rauville-la-Bigot, puis curé de Cherbourg jusqu’à son décès en 1815. Docteur en théologie, il est d'abord vicaire à Besançon et aumônier militaire à la garnison, puis ordonné prêtre. Signataire de la constitution civile du clergé, il reste curé de la paroisse pendant la Révolution. Il devient maire de la commune en 1795, poste qu'il occupe jusqu'en 1803.
Raymond Le Marchand (1859-1932), Châtelain de La Chesnée à Rauville-la-Bigot, il est le second fils de Jules Le Marchand (1826-1886) et de Marie-Marthe Lucas de Couville (1830-1899), héritière du domaine de La Chesnée. A la mort de sa mère il devient châtelain de La Chesnée. En 1887, il succède à son père, récemment décédé, comme maire de Rauville-la-Bigot. En 1906, pour manifester son opposition à la manière dont a été mené l'inventaire des biens ecclésiastiques pratiqué en exécution de la loi de séparation de l'Église et de l'État, il élève une protestation écrite, contresignée par l'ensemble des conseillers municipaux. En réponse, le préfet de la Manche le suspend de ses fonctions de maire pendant un an. En solidarité avec celui-ci, l'ensemble du conseil municipal démissionne. Le préfet nomme alors une délégation spéciale pour expédier les affaires courantes, dirigée par Marin Pellerin. En 1907, Raymond Le Marchand est de nouveau élu maire de Rauville. Il quitte définitivement ses fonctions en 1909. Par ailleurs, il possède cinq fermes sur le territoire de la commune. Afin d'aider ses locataires à écouler le lait autrement que par la fabrication traditionnelle de beurre à la ferme, il a l'idée de créer, chez lui, une laiterie doublée d’une fromagerie. Il se lance dans la fabrication de camemberts.
Marcel Grillard (1893-1963), Natif de la Vendée, il arrive dans la Manche, en 1912, pour prendre la direction de la beurrerie-fromagerie de Rauville-la- Bigot. En 1919, il la rachète à Raymond Le Marchand. Il fonde en 1921 l'Industrie laitière de Normandie et du Cotentin, dite «Etablissements Grillard », disposant de dix usines. En 1919, il devient conseiller municipal de Rauville-la-Bigot et surtout conseiller général du canton de Bricquebec. En 1925, il devient maire de Bricquebec et le demeure jusqu'à sa mort, avec juste une interruption à l'après-guerre. Sa dernière réalisation sera la construction du collège de Bricquebec qui porte son nom.
Lucien Goubert (1887-1964), Il est né à Flamanville et a vécu à Rauville-la-Bigot où il décède. C'est un peintre, caricaturiste et photographe et fut élève de Deguerre. Il représenta avec Emile Dorrée la Basse-Normandie à l’exposition universelle. Il avait la réputation de capter de manière sentimentale son coin de terre, le pastel lui servant de support pour saisir la nature dans son mouvement. Il eut une petite notoriété locale en devenant caricaturiste. Certaines de ses caricatures sont reprises en cartes postales, en particulier au moment des élections législatives et municipales. En 1920, il épouse Marguerite Cornavin de Rauville-la-Bigot. Portraitiste, paysagiste, peintre de la mer et des intérieurs normands, illustrateur d’un Prêtre marié ou d’une Histoire sans nom, romans de Barbey d’Aurevilly, il maniait l’huile, la gouache, l’aquarelle avec autant de bonheur que le crayon et l’eau forte. En 1941, pour fuir les bombardements de Cherbourg, il se réfugie à Rauville-la-Bigot où sa femme vient aider sa mère à la boulangerie familiale. Ils emménagent dans une maison face à la boutique, au lieu-dit La Régale. C'est là qu'il vit le reste de son existence, avec de fréquents séjours dans son atelier de Flamanville. Jusqu'à sa mort, il ne cessera de peindre et de dessiner. Il est enterré dans le cimetière de Rauville. Aujourd'hui, le collège de Flamanville, l'école publique de Rauville-la-Bigot ainsi que des rues à Bricquebec et à Cherbourg en Cotentin perpétuent sa mémoire.
Sources
Divers sites internet, notamment Wikimanche et Wikipédia, Généanet, Notes historiques et archéologiques (le50enligneBIS) ; ;
Pays d’Art et d’Histoire du Clos du Cotentin ; CPIE du Cotentin ; Communauté de Communes Coeur du Cotentin ; Archives départementales de la Manche
Ouvrages : ‘’601 communes et lieux de vie de la Manche’’ de René Gautier, Revue du Cotentin ‘’Vikland’’, ‘Bricquebec et sa région -1978’’, ‘’Bricquebec et ses
environs’’ de l’abbé P. Lebreton (1902), Les Randonneurs de la Côte-des-Isles (Max Gallet / décembre 2020) …